
L’écran comme espace de lecture et de méditation
Nos habitudes de lecture changent. Il devient de plus en plus rare de s’asseoir, d’ouvrir un livre et d’avoir suffisamment de temps, de calme. Nous cherchons alors de nouvelles manières de maintenir cette pratique vivante, en explorant de nouveaux outils, de nouveaux espaces de lecture.
L’écran, en tant qu’espace de lecture, est généralement considéré comme un espace pratique, régi par des codes esthétiques hérités de l’imprimé, mais adaptés à une lecture plus rapide, plus informative. Il répond à un besoin d’efficacité : trouver ce que l’on cherche, rapidement.
Dans les moments de loisir, nous restons pourtant dans cet espace qui devient tour à tour ludique, inquiétant, excitant, à travers les jeux et les contenus multiples qui y circulent. Un espace qui transmet une multitude d’émotions, presque infinies.
Mais il est rare d’y retrouver une expérience plus calme. Rare d’y retrouver la lenteur. Cette lenteur nécessaire à une lecture approfondie, à une lecture qui permet de s’arrêter, de suspendre le flux des informations. Une lecture qui change notre regard sur le monde — instantanément, temporairement, parfois définitivement.

La transformation et la diversification des supports de lecture forment une longue histoire. Elles sont déclenchées par des changements de société, par l’arrivée de nouveaux acteurs dans la vie politique, intellectuelle et culturelle, par des inventions technologiques, par l’accès facilité aux matières premières, et par l’enrichissement de certaines catégories sociales.
Autant de facteurs qui, depuis que l’écriture existe, interviennent dans l’invention de nouvelles façons de lire, parallèlement à l’apparition de nouveaux supports et de nouvelles manières de transmettre les connaissances.
Quant à sa matière, le support de l’écriture a connu une évolution remarquable. D’abord gravée dans la pierre, comme trace immuable de la parole, l’écriture devient progressivement plus légère et plus transportable : du parchemin, issu de la peau des animaux, au papyrus, puis au papier dont l’histoire est longue et riche
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La lecture comme pratique, réservée au départ à quelques privilégiés, s’est peu à peu démocratisée, jusqu’à devenir une nécessité essentielle pour participer pleinement à la société.
Cette démocratisation est passée par des étapes successives : l’élargissement du cercle des lecteurs, l’imitation des comportements des groupes sociaux dominants, la lecture devenant une pratique valorisée, un signe de distinction, une habitude à adopter.
Peut-être étaient-ce, au départ, des motivations superficielles qui ont déclenché de véritables transformations. Les scribes, calligraphes, miniaturistes, artisans relieurs, fabricants de pigments, puis plus tard les imprimeurs, graphistes et illustrateurs, ont tous œuvré pour répondre aux nouveaux besoins. Et, ce faisant, ils ont apporté des innovations — petites ou grandes — qui ont transformé les pratiques de lecture. Ils ont rendu possible la lecture individuelle, la lecture en voyage, facilité l’accès au savoir grâce à l’image et à l’illustration, parfois même fait de l’image un support autonome de connaissances. Ils ont organisé et rythmé la lecture grâce à la mise en page, suggéré des pauses, structuré le temps de lecture. Ils ont diffusé l’écrit sur des supports variés, au-delà du livre, jusque sur des objets, des vêtements, dans des espaces nouveaux.
Ainsi, les artisans et les artistes du livre — et plus largement de l’écrit — répondent certes aux demandes des commanditaires, mécènes ou lecteurs, mais ils influencent aussi les façons de lire. Ils transforment nos gestes, nos habitudes, nos attentes.
C’est dans cette continuité que s’inscrivent nos outils d’apprentissage, nos livres et nos jeux numériques. Ils s’inspirent des pratiques contemporaines de lecture, s’appuient sur les technologies disponibles et prolongent cette réflexion millénaire sur les supports et leurs usages.


